Dexter Morgan est un tueur en série. Mais un tueur en série pas ordinaire. Outre qu'il travaille pour le service médico-légal de la ville de Miami, il a un code de conduite tout à fait personnel. En effet, il ne tue que ceux qui, à ses yeux, l'ont mérité. En l'occurrence, d'autres tueurs. Ces règles, ces principes, il les doit à son père adoptif, Harry Morgan. Harry était policier et il a très vite décelé en Dexter un comportement particulier, un besoin de tuer quasi incontrôlable. Et Harry, convaincu qu'il ne parviendrait jamais à venir à bout des pulsions de son fils et voulant à tout prix l'intégrer socialement décide de canaliser ses envies de meurtres, de les utiliser à bon escient par le respect de certaines règles inviolables. Il lui enseigne notamment qu'il faut absolument s'assurer de la culpabilité des cibles avant de les exécuter.
Ne laissant aucune trace de ses activités, Dexter n'est jamais inquiété. Jusqu'à une série de meurtres commis par un tueur qui semble tout savoir de lui. Entre Dexter et lui commence alors un jeu macabre.
Pour ceux qui connaissent la série télévisée, il faut savoir que la première saison est très conforme à ce premier tome. Au moins la première moitié, voire les deux premiers tiers. Les personnages sont identiques, les scènes sont identiques, jusqu'aux répliques qui sonnent familièrement. Ceci aurait clairement pu constituer un handicap à la lecture pour quelqu'un, comme moi, ayant visionné la première saison. Mais fort heureusement, il n'en est rien. D'abord, alors que dans la série, Dexter, outre qu'il est bien entendu le personnage principal ne s'exprime (en voix-off, s'entend) qu'épisodiquement, dans le roman c'est lui qui s'exprime constamment. Qui raconte son histoire. Tout, absolument tout est vu à travers le regard de Dexter. Ce qui nous permet de nous approcher au plus près des profondeurs de sa personnalité. Ensuite le style est très plaisant. L'auteur a particulièrement bien su retranscrire cette façon de s'exprimer d'un être totalement dénué de sentiments comme Dexter. Une expression qui n'est d'ailleurs pas sans humour. Dexter se considérant comme non-humain, il observe les autres, donc les humains, comme un zoologue observerait les représentants d'une espèce animale. Et il est vrai que le résultat de ses observations est souvent drôle.
Mais encore une fois, lorsqu'on a dépassé la première moitié du livre, on commence à apercevoir des différences de plus en plus notables avec la série. Les auteurs de cette dernière ont ajouté quelques situations dramatiques qui n'existent pas dans le roman. En grande partie pour faire durer une intrigue qui aurait été très courte à la télévision ( chaque saison de Dexter ne comporte d'ailleurs que 12 épisodes, ce qui est très peu) et également pour se focaliser un peu sur les personnages qui entourent Dexter, pour leur donner plus d'épaisseur. Jusqu'à la fin qui est sensiblement différente et qui éloigne l'un de l'autre la série et le roman. On peut donc parfaitement lire le livre après avoir vu la série (ou l'inverse) sans éprouver un réel sentiment de redite.
J'avoue que j'étais un peu sceptique lorsque j'ai commencé à regarder la série. Imaginer que l'histoire d'un tueur en série pouvait m'intéresser me laissait dubitatif. Je fait en effet partie de ceux qui trouvent dangereux de vouloir faire la justice soi-même et particulièrement inconscients ceux qui en font l'apologie. Et je craignais d'avoir affaire avec Dexter à une sorte de réquisitoire en faveur de la justice personnelle. Dans les faits, les choses sont bien différentes. Même si Dexter n'est pas à proprement parler un psychopathe , de ceux qu'on a l'habitude de croiser dans ce genre de romans, il a subi dans sa petite enfance un traumatisme qui, s'il ne justifie pas ses meurtres, explique au moins son envie de tuer. Ce n'est pas sa soif de justice qui le pousse à agir mais bien ses pulsions même si elles ont été canalisées par son père adoptif. Même si Dexter n'est jamais réellement sympathique (il l'est en vérité bien plus dans la série), on ne peut s'empêcher malgré tout d'éprouver une certaine compassion pour cet individu incapable d'aimer et forcer de simuler constamment. Et c'est aussi malgré nous que nous tremblons à chaque fois que la police semble sur le point de découvrir ses activités.
Non vraiment, Dexter a apporté quelque chose de nouveau dans un genre qui commençait doucement à tourner en rond. Faire d'un serial killer une sorte de héros, en tout cas en faire le personnage principal d'un roman, était un pari osé. Mais le pari est parfaitement gagné.