dimanche 19 décembre 2010

Une chauve-souris dans le grenier - Stéphanie Benson


Quatrième de couverture : 
Dans un squat parisien, entre drogue et désespoir, Sandrine, une jeune fugueuse, meurt assassinée. Muré dans sa psychose, un meurtrier poursuit une quête impossible, guidé par l'ange de la mort qui s'empare de lui. Solitaire, accablé par le souvenir de sa mère qu'il a peut-être tuée, un commissaire de police, Camille Simon, entreprend une croisade exaltée pour débusquer le tueur insaisissable qui semble choisir ses victimes selon les déambulations nocturnes du policier. 

 Stéphanie Benson est anglaise, ce qui n'est pas grave. Elle écrit en français ce qui n'est pas banal. Et elle écrit bien. De fait, l'écriture est sans doute la qualité numéro un de ce roman. Talonnée par la qualité numéro deux : des personnages très réussis et en particulier le commissaire Camille Simon. Parce que pour ce qui est de l'histoire il faut bien admettre qu'elle n'est pas stupéfiante d'originalité. Le tueur psychopathe et le flic à ses trousses, nous les avons souvent croisés.
Alors ce qui nous attache à ce texte qui ne nous lâche plus une fois qu'il nous a happés, c'est ce drôle d'enquêteur. Ses réflexions curieuses, les relations très particulières qu'il entretient avec sa grand-mère et avec les femmes en général, ses névroses. Il en vient tellement à douter de sa santé mentale qu'il en arrive à se demander (et nous avec lui) s'il ne serait pas lui-même le tueur après lequel il court. Mention spéciale également à ce détective d'outre-manche qui l'accompagne et qui va assister notre commissaire dans son enquête.
Une excellente découverte pour ma part. Ce roman possède un parfum qui n'est pas sans rappeler les meilleurs polars ou thrillers du cinéma français quand nos réalisateurs s'en donnent la peine.
Une chauve-souris dans le grenier c'est un peu l'équivalent britannique de notre expression : une araignée au plafond. Et il est vrai que pas mal de personnages sont bien barrés dans cette histoire.

dimanche 12 décembre 2010

L'été de cristal - Philip Kerr

Trilogie berlinoise 1

Nous sommes en été 1936, à Berlin, peu de temps avant l'ouverture des jeux olympiques. Hitler est au pouvoir depuis trois ans et le nombre de disparitions de personnes a augmenté de façon significative. Et rechercher les personnes disparues c'est précisément le boulot de Bernhard Gunther, détective privé et ancien flic. Mais la mission que lui confie un jour l'industriel Six n'est pas de retrouver sa fille, puisqu'elle est morte dans un incendie avec son époux. Il charge Gunther de retrouver un collier de diamants qui a disparu au moment du drame.
Lorsque la Gestapo se mêle de l'enquête, le travail du détective devient singulièrement difficile, voire dangereux. D'autant plus qu'il a affaire à Göring, créateur de la gestapo et quasi numéro 2 du régime.

Un moment, je me suis demandé si j'aimais ce que je lisais et s'il méritait une bonne note. J'ai un instant songé à lui attribuer un 3 sur 5. Somme toute une note assez moyenne. Et pourquoi cette tiédeur me direz-vous ? Eh bien, tout simplement parce que la partie purement intrigue du roman est d'un classique consommé et manque singulièrement d'originalité. " Bernie " Gunther est un ersatz cent fois vu des détectives privés de l'âge d'or du polar comme Philip Marlowe ou Sam Spade. On l'imagine sans peine sous les traits de Humphrey Bogart. Quant à l'intrigue proprement dite, elle présente finalement assez peu d'intérêt et elle est compliquée par un tel nombre de personnages qu'on finit par ne plus savoir très bien qui est qui et d'où sort tel ou tel. La routine, quoi.
Mais, mais, mais. L'histoire se situe à Berlin sous le régime nazi et là, ça change tout. Philip Kerr est très documenté sur le sujet. À tel point qu'on pourrait penser à le lire qu'il était présent sur place au moment des faits. De fait, j'ai rarement lu de roman aussi précis et authentique sur un lieu et surtout une époque que n'a pas pu connaître l'auteur. Le roman est d'ailleurs à apprécier pour ce qu'il est réellement, au moins à mes yeux : un roman historique. Tout y est détaillé. Non seulement le nom des rues mais aussi les bâtiments, officiels ou pas, qu'on pouvait y trouver et l'ambiance particulière à chaque quartier. Nous sommes également plongés, jusqu'au cou, dans ce qui rend cette période (heureusement) exceptionnelle. Outre la Gestapo et les SS, nous sommes confrontés aux premières lois contre les Juifs et à la spoliation de ces derniers, aux disparitions inexpliquées, aux internements plus ou moins arbitraires, aux intimidations, aux lois totalitaires.
L'auteur nous rappelle, ou nous fait découvrir pour le cas où nous ne nous en douterions pas, que les premières victimes de Hitler et du nazisme, ce sont les allemands eux-mêmes. D'abord les Juifs allemands, qui ont payé et de loin, le plus lourd tribut à la folie barbare, mais également tous les autres allemands. Les opposants d'abord, communistes ou sociaux-démocrates, mais également les handicapés, les homosexuels, les citoyens trop tièdes vis à vis du régime, pas assez zélés. Parfois tout simplement, ceux dont la tête ne revenait pas à leurs voisins. Et c'est dans cette ambiance de peur, de terreur même, de suspicion qu'évolue notre héros. Et pour le rendre plus crédible, plus authentique, Kerr n'en a pas fait un véritable opposant au régime, un type courageux et indomptable qui aurait d'ailleurs vite finit sa vie au fond d'un camp de concentration. Non, Gunther est un homme ordinaire ou plutôt, un détective ordinaire. Le choix de ses activités, passées ou présentes, plutôt dangereuses, montre qu'il n'est pas dépourvu de courage. Il est aussi plutôt insolent, sarcastique. Mais comme la plupart de ses concitoyens, il a appris à ne pas critiquer ouvertement le régime. Il lutte cependant à sa manière contre les injustices dont il est le témoin. Comme il le dit avec une certaine ironie macabre, les Juifs sont, dans ces temps tragiques pour eux, ses meilleurs clients. Mais en aidant les familles dans leurs recherches de leurs proches disparus, il contribue, modestement soit, mais concrètement,  à atténuer l'horreur du régime.
Bernie est donc plutôt un type bien. Aussi bien qu'on peut l'être dans cette période horrible. Même s'il est un brin macho, là encore il n'est jamais qu'un mâle ordinaire des années 1930. On ne saurait trop lui en demander. Pourtant il arrive à sa manière à être un rien romantique. Si,si. En grattant bien.
Je ne suis d'ordinaire que peu enclin à lire un roman ou voir un film qui risque de me mettre à l'évidence le moral à zéro. Il y a assez de raisons de sombrer dans la déprime en temps ordinaire. Je ne verse pas que dans les sujets légers mais la montée du nazisme ou la Shoah font partie des thèmes qui me bouleversent trop pour que je n'ai pas choisi le parti pris de fuir toutes les productions qui les traitent. Mais quatre-vingt dix neuf fois sur cent, lorsque je passe outre à ces préventions s'agissant d'œuvres précédées d'une bonne réputation, je suis séduit par ce que j'ai vu ou lu. Et cet Été de cristal ne fait pas exception à la règle. Certes, le roman prête très peu à sourire mais raconter l'histoire du point de vue du détective (le récit est fait à la première personne) rend les choses un peu plus légères.
Si j'avais un petit reproche à faire au roman c'est dans sa fin un peu bâclée à mon sens. En fait, je me suis retrouvé à la dernière page un peu surpris (du fait que la trilogie est réunie en un seul volume, je n'ai pas vu la fin du premier roman arriver). Ce n'est pas exactement que je pensais qu'il allait se passer encore plein de choses (encore que), mais je me suis rendu compte, parvenu au point final, que la véritable fin était intervenue déjà quelque temps auparavant et que les dernières pages ont un peu des allures de remplissage.
Si vous voulez vous plonger dans le Berlin sombre des années 1930 sans pour autant avoir (tout à fait) envie de vous flinguer, ce livre est fait pour vous. Nul doute que, comme moi, vous appreniez énormément de choses sur l'époque.

Ils en parlent :
El Jc
Hugin & Munin