Roberts et Brant, R & B, sont deux flics londoniens. Roberts est à la fois le plus âgé (62 ans) et le plus gradé (inspecteur principal). Brant n'est que sergent. Lorsque nous découvrons les deux hommes, ils sont confrontés à deux affaires importantes. Deux séries de meurtres. La première concerne de petits malfrats, des dealers, que l'on retrouve pendus accompagnés d'un message qui commence invariablement par la lettre « E ». E comme exemple peut-on lire notamment sur une pancarte accrochée au cou de l'une des victimes. La seconde série de meurtres concerne, elle, les joueurs de l'équipe d'Angleterre de cricket. Par un tueur qui se fait appelé « l'Arbitre ». Ces deux affaires représentent, pour le policier qui les résout, le Gros Coup dont rêvent tous les flics. Et en particulier Roberts et Brant menacés qu'ils sont par l'IGS suite aux plaintes qui ont été déposées contre eux.
Le roman possède deux qualités principales. L'humour bien sûr qui est une sorte de signature de Ken Bruen. Tout est drôle : les dialogues comme les situations ainsi que les réflexions de l'auteur. Et c'est tant mieux, parce que l'univers que nous invite à visiter Bruen est assez sordide. Seconde qualité à mes yeux : l'attitude politiquement incorrecte des personnages. Les deux policiers forment à eux deux une combinaison de ce que l'on peut trouver de plus macho, misogyne, sans scrupules, corrompu, violent et j'en passe. Difficile parfois de ne pas penser au film Les ripoux en suivant leurs aventures. Sauf que les deux flics londoniens sont quelque part pires que nos condés de Paname. Surtout Brant. Et pourtant, difficile de ne pas les trouver quelque part attachants.
- Je viens de recevoir un appel de ma femme.
- Oh, désolé, inspecteur, elle a dit que c'était urgent.
- Jamais. Ne jamais me la passer. J'ai pas été assez clair, la dernière fois ?
- Clair, inspecteur ?
- J'ai pas été assez explicite, peut-être ? Est-ce que, par hasard, j'aurais vaguement laissé entendre que quelquefois, malgré tout, éventuellement, vous pourriez me passer cette chieuse ?
Quant à l'intrigue policière et pour coller là aussi aux habitudes de l'auteur, elle est réduite à sa plus simple expression. Voire quasi inexistante. Que ceux qui n'aiment rien tant que de chercher et découvrir la clé de l'énigme avant le détective chargé de l'enquête passent leur chemin. Nous ne sommes clairement pas chez Agatha Christie ici. Nous sommes à des années-lumière du whodunit. Ce qui intéresse Bruen c'est davantage de faire la peinture d'une société (britannique ici) à travers le portrait de personnages particulièrement saisissants de réalisme. Ici, nous connaissons depuis le début les coupables et nous suivons même leur quotidien. De la même façon que nous suivons, un peu, les tentatives, entachées d'erreurs d'appréciation, jalonnées de fausses pistes, des deux policiers pour résoudre les affaires; mais surtout leur routine, leurs petits ou grands malheurs, leurs amours, leur vie au jour le jour. Et ce, non seulement pour les deux flics mais également pour leur entourage, collègues ou proches. C'est ainsi que nous suivons les tribulations amoureuses de la pulpeuse agent Falls ou les aventures extra-conjugales de Fiona Roberts. Toutes choses fort éloignées des enquêtes mais tellement drôles ou sordides ou pathétiques ou tristes ou un peu tout cela à la fois. La vie dans les quartiers populaires d'une grande ville, tout simplement.
- Il est encore vivant, ton père ?
- Ça lui arrive, mais jamais le week-end.
Alors voilà, les aventures de Roberts et Brant, ne sont pas à proprement parlé du polar classique. C'est trash, déjanté, louftingue, drôle, grinçant, que sais-je encore ? Mais bon sang, ce que c'est bon. Jouissif, décapant. En plus c'est court (environ 270 pages) et écrit gros. Ça se lit à une vitesse colossale. Et je dis que ça devrait être remboursé par la sécurité sociale.
Attention, les enquêtes ne s'arrêtent pas là. Il y a en effet une suite au Gros coup qui s'intitule Le mutant apprivoisé.