jeudi 25 novembre 2010

Ce cher Dexter - Jeff Lindsay


Dexter Morgan est un tueur en série. Mais un tueur en série pas ordinaire. Outre qu'il travaille pour le service médico-légal de la ville de Miami, il a un code de conduite tout à fait personnel. En effet, il ne tue que ceux qui, à ses yeux, l'ont mérité. En l'occurrence, d'autres tueurs. Ces règles, ces principes, il les doit à son père adoptif, Harry Morgan. Harry était policier et il a très vite décelé en Dexter un comportement particulier, un besoin de tuer quasi incontrôlable. Et Harry, convaincu qu'il ne parviendrait jamais à venir à bout des pulsions de son fils et voulant à tout prix l'intégrer socialement décide de canaliser ses envies de meurtres, de les utiliser à bon escient par le respect de certaines règles inviolables. Il lui enseigne notamment qu'il faut absolument s'assurer de la culpabilité des cibles avant de les exécuter.
Ne laissant aucune trace de ses activités, Dexter n'est jamais inquiété. Jusqu'à une série de meurtres commis par un tueur qui semble tout savoir de lui. Entre Dexter et lui commence alors un jeu macabre.

Pour ceux qui connaissent la série télévisée, il faut savoir que la première saison est très conforme à ce premier tome. Au moins la première moitié, voire les deux premiers tiers. Les personnages sont identiques, les scènes sont identiques, jusqu'aux répliques qui sonnent familièrement. Ceci aurait clairement pu constituer un handicap à la lecture pour quelqu'un, comme moi, ayant visionné la première saison. Mais fort heureusement, il n'en est rien. D'abord, alors que dans la série, Dexter, outre qu'il est bien entendu le personnage principal ne s'exprime (en voix-off, s'entend) qu'épisodiquement, dans le roman c'est lui qui s'exprime constamment. Qui raconte son histoire. Tout, absolument tout est vu à travers le regard de Dexter. Ce qui nous permet de nous approcher au plus près des profondeurs de sa personnalité. Ensuite le style est très plaisant. L'auteur a particulièrement bien su retranscrire cette façon de s'exprimer d'un être totalement dénué de sentiments comme Dexter. Une expression qui n'est d'ailleurs pas sans humour. Dexter se considérant comme non-humain, il observe les autres, donc les humains, comme un zoologue observerait les représentants d'une espèce animale. Et il est vrai que le résultat de ses observations est souvent drôle.

Mais encore une fois, lorsqu'on a dépassé la première moitié du livre, on commence à apercevoir des différences de plus en plus notables avec la série. Les auteurs de cette dernière ont ajouté quelques situations dramatiques qui n'existent pas dans le roman. En grande partie pour faire durer une intrigue qui aurait été très courte à la télévision ( chaque saison de Dexter ne comporte d'ailleurs que 12 épisodes, ce qui est très peu) et également pour se focaliser un peu sur les personnages qui entourent Dexter, pour leur donner plus d'épaisseur. Jusqu'à la fin qui est sensiblement différente et qui éloigne l'un de l'autre la série et le roman. On peut donc parfaitement lire le livre après avoir vu la série (ou l'inverse) sans éprouver un réel sentiment de redite.

J'avoue que j'étais un peu sceptique lorsque j'ai commencé à regarder la série. Imaginer que l'histoire d'un tueur en série pouvait m'intéresser me laissait dubitatif. Je fait en effet partie de ceux qui trouvent dangereux de vouloir faire la justice soi-même et particulièrement inconscients ceux qui en font l'apologie. Et je craignais d'avoir affaire avec Dexter à une sorte de réquisitoire en faveur de la justice personnelle. Dans les faits, les choses sont bien différentes. Même si Dexter n'est pas à proprement parler un psychopathe , de ceux qu'on a l'habitude de croiser dans ce genre de romans, il a subi dans sa petite enfance un traumatisme qui, s'il ne justifie pas ses meurtres, explique au moins son envie de tuer. Ce n'est pas sa soif de justice qui le pousse à agir mais bien ses pulsions même si elles ont été canalisées par son père adoptif. Même si Dexter n'est jamais réellement sympathique (il l'est en vérité bien plus dans la série), on ne peut s'empêcher malgré tout d'éprouver une certaine compassion pour cet individu incapable d'aimer et forcer de simuler constamment. Et c'est aussi malgré nous que nous tremblons à chaque fois que la police semble sur le point de découvrir ses activités.

Non vraiment, Dexter a apporté quelque chose de nouveau dans un genre qui commençait doucement à tourner en rond. Faire d'un serial killer une sorte de héros, en tout cas en faire le personnage principal d'un roman, était un pari osé. Mais le pari est parfaitement gagné.

10 commentaires:

  1. Le petit côté humoristique (humour noir) de la série semble moins présent dans le livre, est-ce que je me trompe ? En tout cas, ta critique me donne envie de (re)plonger dans Dexter. Par curiosité, c'est écrit au "Je" ou au "il" ?

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  2. J'ai trouvé pour ma part qu'il y a plus d'humour dans le livre. Je ne l'ai pas dit explicitement (ou mal dit) mais c'est écrit à la première personne. C'est donc le point de vue de Dexter qui nous est présenté. Et c'est là que réside l'humour du texte : dans les réflexions décalées d'un homme qui est étranger au monde des sentiments humains.

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  3. Pas lu le livre mais je suis un fan inconditionnel de la série.

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  4. Pas lu le livre, pas vu la série. Mais qu'est-ce que je fais de mes journées ?! Ca devrait me plaire, aimant bien les êtres dénoués de sentiments ! L'idée du tueur psychophate qui aide la police a été reprise en manga aussi.

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  5. @ Gromovar : la lecture du premier roman pour un fan de la série n'est pas forcément indispensable. Ce pourrait être différent pour le deuxième volet.
    @ Kactusss : Mais kéktufou ? Tâche au moins de mater la série : ça vaut vraiment le coup.

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  6. Je suis assez fan de la série, donc maintenant que le saison 1 est un peu sortie de ma tête, je pourrais me mettre à lire le Tome 1 qui traine quelque part ici.

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  7. @ Julien : oui, si tu as le tome 1, n'hésite pas. D'abord parce qu'un roman apporte toujours quelque chose de différent d'un film ou d'une série et en plus parce que la fin est tout de même assez divergente.

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  8. C'est un copain fantasyiste qui m'a dit, "il faut que tu le lises"
    Je le suis les yeux fermés en ce qui concerne la SFFF, la musique, donc je l'ai écouté.
    J'avais moi aussi, un peu peur d'ouvrir le bouquin ayant visionné la première saison de Dexter... Et évidemment, il ne fallait pas :)
    La grande force du livre (et qui n'existe que de manière très floue dans la série) est son passager. J'aime beaucoup la façon de l'auteur de relayer Dexter à l'arrière de la voiture pour expliquer ses actes.
    Et OUI, la fin est différente, les volumes 2 et 3 aussi. J'attends avec impatience la sortie du tome 4 en poche ;)

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  9. En effet, le passager n'est qu'évoqué dans la saison 2 (me semble-t-il).

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  10. J'ai déjà bien accroché à la série (comme beaucoup visiblement) et j'avais acheté les deux premiers tomes sans trop oser me lancer... Mais au vu de ton article et des commentaires, je pense que je peux y aller aussi !
    Et le fait que le roman soit à la première personne me réconforte, la psychologie des tueurs, c'est un peu mon dada, quoi. Alors même si c'est de la fiction (... J'espère ou j'ai des questions pour Jeff Lindsay), c'est tout de même intéressant.
    Merci pour ces bons conseils.

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